« Blanche ma chérie va t-en. Va chez Amy ou chez les voisins, dépêche-toi. » Je savais ce qui allait se passer, je savais que c’était encore lui, qu’il allait rentrer. Je me suis vite levé et n’ai pas essayé de la faire venir avec moi, je savais qu’elle dirait non, comme d’habitude. Elle m’a pris la main pour m’exhorter à aller plus vite et a rapidement descendue les escaliers avec moi à sa suite. Mon frère attendait impatiemment en bas et ma serré dans ses bras lorsque j’ai touché la dernière marche. Il a passé un bras protecteur sur mes épaules et s’est tourné vers la porte d’entrée. C’était déjà trop tard. Instinctivement sans doute, il m’a repoussé derrière lui et a fait rempart de son corps pour me protéger contre ce substitut d’homme qui venait d’entrer. Il était soul, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Je suis resté prostrée derrière Luke, me sentant trembler comme une feuille. Après seize ans, il me faisait toujours le même effet. J’avais honte, honte de lui, honte d’être sa fille. Il n’était rien d’autre qu’un ivrogne, incapable d’autre chose que de faire souffrir sa famille. Il a fermé la porte derrière lui et s’est avancé vers nous. Ma mère s’était collée à Luke elle aussi et ont a tous reculé d’un même pas lorsqu’il s’est avancé vers nous. Il a paru surpris, l’a fait remarquer à voix haute, rien que son timbre me provoquait des sueurs froides. Tout chez lui était méprisable. « Et bien quoi, on dirait que vous avez vu un fantôme ! » Un peu plus et on aurait pu le croire, croire qu’il était réellement sincère, qu’il ne se rendait pas compte de l’effet qu’il pouvait non faire. Mais nous savions tous qu’il n’était pas dupe, plus tout du moins. Des sanglots étouffés ont commencés à me secouer et ont fini par briser le silence religieux de cette maison. Il s’est rapproché, assez pour Luke se redresse un peu plus et lui barre le passage, complètement. Je me suis tassée contre le mur, m’agenouillant tant bien que mal pour me calmer. D’habitude j’arrivais à me contrôler mais ce soir, je sentais qu’il allait se passer quelque chose, que la situation allait changer. Et effectivement, sans prévenir, il a sorti un flingue de son dos. Tout le monde s’est bloqué, je n’arrivais même plus à respirer. Il a pointé le canon vers ma mère et je me suis entendu hoqueter de terreur. « Je la veux. » Quand j’ai vu le doigt impérieux qu’il pointait vers moi, ma respiration s’est accélérée et j’ai bien cru que mon cœur allait sortir de ma poitrine. Pourquoi moi ? Tout ce qu’il avait fait pour moi c’était me pourri la vie, celle de ma mère et de mon frère, je n’étais rien pour lui, plus rien, pas plus qu’il n’était quelque chose sur moi. « Non. » J’aurais pu être l’auteur de ces mots mais c’est mon frère qui les avait proférés. Calme, presque sur de lui, il n’avait pas bougé et le regardait fixement. Mon père a baissé son arme et un bruit assourdissant à résonné dans la maison, rapidement suivi des cris de douleur de Luke. « OH MON DIEU ! » Je me suis précipitée vers lui qui se tordait de douleur au sol, les mains serrés sur sa jambe. J’ai papillonné autour de lui sans savoir que faire, j’avais peur de le blessé encore plus ou de faire quelque chose de mal. Les larmes coulaient sans discontinuité sur mes joues m’empêchant de voir clairement. J’ai hurlé à ma mère d’appeler la police, ou une ambulance mais elle n’a pas bougé, elle fixait son mari comme si elle découvrait tout d’un coup qui il était réellement. Elle n’a pas bougé non plus lorsqu’il est venu m’attraper par les cheveux pour me jeter sur le canapé avant de se mettre sur moi. J’avais beau hurler, frapper, rien n’y faisait, elle ne bougeait pas, comme si elle était absente. Ma tête a frappé quelque chose de dur et j’ai senti mes forces m’échapper. Pendant quelques secondes, j’étais trop sonnée pour me défendre, essayant juste de rester éveillée. Ces quelques secondes lui suffirent pour jeter son flingue et m’enlever mon pyjama. J’étais désormais en sous vêtement sous lui et pouvait sentir qu’il adorait ça, me savoir à sa merci, à lui. Ça m’a permis de reprendre mes esprits et j’ai recommencé à lutter. Plus faiblement cette fois, je sentais bien que je n’étais pas de taille. Alors qu’il s’apprêtait à descendre ma petite culotte, un autre bruit sourd a retentit. J’ai arrêté de bouger, arrêté même de respirer. Ce moment semblait flotter, comme au ralenti. J’ai lu dans ses yeux de l’incompréhension, j’ai vu le sang sortir de sa bouche en flot continu. Il s’est écroulé sur moi et à ce moment là, j’ai crié. Crié autant que je l’ai pu, le repoussant de toutes mes forces. Les sirènes se faisaient entendre au loin, les voisins avaient du appeler la police. Tandis que je n’arrivais pas à m’arrêter de crier, comme dans un état second, j’ai vu ma mère, les deux bras en l’air, le pistolet dans les mains.